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La santé n'est pas un droit

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29 mars 2007

"La santé n'est pas un droit" par Guy Vallancien

"La santé n’est pas un droit"

Manifeste pour une autre médecine

par Guy Vallancien

photolivre

Le livre :

Le « droit à la santé » est une revendication illusoire. Abandonner ce slogan est une manière de mieux affirmer nos « devoirs » et notre responsabilité individuelle et collective en matière sanitaire. Devoirs du corps médical, des malades, des organismes de tutelle, et des politiques. « La médecine que j’exerce au quotidien en ce début de XXIe siècle ne correspond plus à celle pratiquée dans les années cinquante. Le progrès scientifique l’a rendue fiable. À l’inverse, l’organisation des soins reste aussi traditionnelle, voire archaïque. »

Partant de ce constat, Guy Vallancien pointe avec précision, par de nombreux exemples, l’incroyable désorganisation de notre système de santé. Sans dissimuler les responsabilités de tous les acteurs de ce système, il montre que des solutions sont là, simples et urgentes. La santé n’est pas un droit est un livre engagé qui propose de vraies pistes de réformes avec pragmatisme et humanisme. « La Sécurité sociale mérite mieux que de colmater ses brèches au jour le jour, nous dit Guy Vallancien. Innovons en citoyens responsables et solidaires. »

L’auteur :

Guy Vallancien est Professeur d’urologie à l’université René Descartes Paris 5, Président de l’Ecole Européenne de Chirurgie et Président du Cercle Santé Société. Il a été chargé de mission auprès du ministre de la Santé pour le Plan Hôpital 2007. Guy Vallancien est notamment le co-auteur de La révolution médicale, (Seuil 2003).

En librairie le 22 mars

Pour acheter le livre, cliquer ICI

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29 mars 2007

Vu à la Télé

29 mars 2007

Extraits du livre

Prologue

La médecine que j’exerce au quotidien en ce début du xxie siècle ne correspond plus, et de loin, à celle que pratiquaient mes maîtres dans les années cinquante. Le progrès scientifique l’a rendue fiable. L’incertitude et les probabilités invoquées par le célèbre médecin canadien Sir William Osler (1849-1919) reculent au profit de l’affirmation technique et de la preuve statistique. À l’inverse, l’organisation générale de la distribution des soins n’a, elle, guère évolué depuis le Moyen-Âge. Elle s’avère toujours aussi traditionnelle, voire archaïque, reposant sur le bon vouloir, le professionnalisme et l’expérience d’individualités. La salle des malades de l’hospice de Beaune ouverte au xve siècle ressemble en tous points à la chambre d’un hôpital contemporain. Lits, tables de chevet, brocs, cuvettes et linge propre en forment toujours les éléments de base. Mais les instruments de chirurgie ont considérablement évolué : nous sommes passés des pinces rustiques aux ciseaux télé-manipulés. L’informatique et la vidéo-vision ont envahi les blocs opératoires. Cette distorsion entre le progrès rapide de l’art médical, peu à peu transformé en technique, et le maintien d’une distribution désuète des soins explique, pour une grande part, l’ardoise financière qui affole payeurs et politiques. Elle est aussi l’une des causes majeures du malaise que ressentent les professionnels de santé dans notre pays, pourtant classé premier pour son organisation sanitaire par l’OMS.

Parce que l’offre de soins s’est socialisée au point de devenir impersonnelle, les usagers du système ont perdu le sens de leurs responsabilités. Des patients aux médecins, en passant par les administrations et les organismes de l’assurance-maladie, chacun a joué son rôle égoïstement. Nous avons tous espéré tenir bon aussi longtemps que possible dans un système encore solvable, au prix d’une augmentation continue des prélèvements sociaux.

On nous rabâche des slogans éculés, tels que le sacro-saint « droit à la santé ». N’oublions pas « La médecine libérale ou la mort », « Touche pas à ma sécu » ou encore « Venez aux urgences, l’hôpital vous attend » qui dénaturent toute analyse sensée de la situation. Chaque catégorie professionnelle tend sa sébile, espérant un petit geste du bailleur de fonds, persuadée d’être la victime expiatoire du système.

« Droit à la santé » ? Mais pourquoi ne pose-t-on pas, d’abord, la question de nos responsabilités individuelles et collectives ? Des responsabilités qui, elles, sont préalables à tout droit ? Il est plus facile de promouvoir à tout va des droits que de rappeler les vertus citoyennes qui les font naître. J’ai peut-être le droit de « jouir sans entrave » comme le proclamait un tag de mai 1968 ; mais, en contre partie de ce bien-être nirvanique, n’avons-nous pas quelques devoirs préalables ? Là, personne ne répond. On se tait par crainte d’aborder la véritable question : celle des impérities successives ayant entraîné la dégradation de notre système de soins. Conçu dans le contexte socio-économique d’après 1945, au sortir de la guerre, ce système ne correspond plus à la situation et aux évolutions indispensables pour la France du XXIème siècle.

Que le lecteur me comprenne. Ces pages n’ont d’autre but que de susciter un débat, en m’appuyant sur des situations vécues. Ce procédé, il est vrai, est peu habituel au pays de Descartes où l’esprit de raison nous invite à procéder du général au particulier sans tenir compte de l’expérimentation. Quand j’opère, j’établis un plan d’attaque ; mais je suis parfois confronté à une réalité différente de celle que j’avais prévue. Du coup, je procède autrement. À sa manière, ce livre n’a pas d’autres ambitions : être pragmatique. Comme un chirurgien.

Quel gâchis !

Nous vivons sur un système de protection sociale bâti, à l’origine, pour les seuls travailleurs salariés. Mais la société a considérablement évolué tant par la diversification des emplois, la répartition des catégories socioprofessionnelles, les progrès de l’informatisation et la mondialisation de l’économie et les progrès thérapeutiques avec leurs conséquences sur le chômage comme sur l’allongement de la durée de vie.

Dans l’ensemble, les Français ne perçoivent pas l’impact croissant de la globalisation du marché de la santé. Outre la puissance américaine dans ce domaine, avons-nous conscience de la montée en puissance de certains établissements de soins étrangers tout comme l’accélération des délocalisations possibles et rapides de médecins et d’auxiliaires ? À Kuala Lumpur comme à New Delhi, ou Tunis, de remarquables chirurgiens vous opèrent dans des hôpitaux superbes. Les Français rayent ce « tourisme médical » qui, un jour, nous réservera des surprises. Qui empêchera un établissement de soins public ou privé de délocaliser demain la prise de rendez-vous à Marrakech ou à Alger ? Qu’est-ce qui empêchera que des images scanner ne soient lues par des médecins étrangers à diplômes français ou européens exerçant dans leur pays d’origine ?

Fiers de la soi-disant égalité d’accès aux soins grâce à notre Sécurité sociale, nous ne voyons pas que la médecine est en France à dix vitesses. Nous sommes aveuglés par le dogme républicain intouchable. Or, selon la porte du cabinet médical, du dispensaire, de la clinique ou de l’hôpital à laquelle vous frappez, vous serez plus ou moins bien pris en charge. Votre niveau d’information, vos relations, vos moyens financiers déterminent totalement le chemin que vous aurez à parcourir comme malade. Mais il ne faut pas l’ébruiter, au risque, sinon, de remettre en cause notre foi indéfectible en la sainte salvatrice et protectrice, « mater securitas ».

En vingt-cinq ans, une vingtaine de plans de redressement ont été mis en place. Globalement, ils ont tous été incapables de produire autre chose que du déficit. Car ils sont sans réelle envergure. Aucun d’eux n’a, en effet, remis en cause les moyens de production sanitaires, ni leur répartition sur le territoire. Nous avons vécu dans le « touche pas à mon hôpital ou à ma clinique », qui privilégie l’aménagement du territoire plutôt que la qualité des soins. Curieux choix, dicté par des impératifs plus politiques que sanitaires et qui préserve coûte que coûte l’emploi local au prix de risques médicaux accrus du fait de la sous-activité de certains établissements. Par ailleurs la corporation médicale libérale négocie avec l’Assurance Maladie des conventions dites « poly catégorielles » qui ne satisfont personne.

Peut-on comparer un généraliste à un chirurgien ? Tout les sépare, hormis la fatigue du métier. Les risques, la technicité, le coût de la pratique (et en premier lieu celui des assurances en responsabilité civile), le mode d’exercice dit libéral, sous contrat avec un propriétaire d’établissement pour le chirurgien et autonome pour le généraliste : sans vouloir établir une hiérarchie, chacun comprendra bien que nous ne faisons pas la même chose, médecins généralistes, spécialistes, psychiatres ou chirurgiens tout en étant aussi utiles aux malades. Alors pourquoi négocier avec la tutelle en montant sur le même cheval du manège ?

Pour m’en tenir à mon domaine, voilà ce qu’il en est : la chirurgie publique disparaît lentement tant sa faible productivité opératoire n’incite pas les chirurgiens les plus actifs à se donner à fond. Blocs opératoires fermés à 16 heures, temps de nettoyage interminable entre chaque malade, limitation du nombre d’actes pour ne pas générer de déficit, tout plaide pour inciter à fuir le secteur public. Ceux qui restent se divisent en deux catégories : les saints, et il y en a, qui considèrent que leur place est à l’hôpital. Ce sont des apôtres, que je salue. Et les autres qui trouvent dans les établissements publics une niche douillette, où l’on peut sans grand risque faire peu d’opérations. La France qui s’enorgueillit d’un État fort a laissé se développer le secteur libéral chirurgical comme aucun autre pays ne l’a fait au monde. Les dirigeants s’en aperçoivent tout juste pour maintenant crier au rapt. L’accès aux soins ne serait plus égalitaire ! La belle affaire : il ne l’a jamais été. Le secteur libéral assure aujourd’hui près de 70 % de la production opératoire dans tous les domaines de la chirurgie et sans rechigner devant la lourdeur des actes comme certains esprits envieux le colportent. Toutes les données du programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI) sont là pour le prouver. En 2005, sur 22 000 ablations radicales pour cancer de la prostate, près de 17 000 ont été réalisées dans les cliniques. Les chirurgiens s’y regroupent pour exercer et des cliniques de 300 ou 400 lits forment de beaux établissements de soins, à l’efficacité redoutable malgré leurs contraintes économiques

La séparation entre organismes et personnels médicaux et sociaux est une autre ineptie, alors qu’ils devraient œuvrer ensemble : l’exclu alcoolique qui vient aux urgences régulièrement pour des complications de sa cirrhose du foie, clochard sympathique que tout le monde connaît bien dans le service, sera admis quelques jours avant de retourner dans la rue. Parce qu’il n’y a aucun relais social, il reviendra quelque temps plus tard frapper à la porte du même l’hôpital, plutôt la nuit, pour y faire un nouveau séjour. Et rebelote !

Pendant le même temps, les généralistes sont de plus en plus désabusés. Ils ne trouvent ni remplaçant, ni successeur. Épuisés par le travail, ils sont dégoûtés par la dégradation de leur métier. Enfermés dans une médecine folle où le spécialiste du pied droit ne sera pas le même que celui du gauche, nous ne voyons pas les dangers de la parcellisation non régulée de notre action. On multiplie les sous spécialités, sans réfléchir si c’est à des médecins, des ingénieurs médicaux ou à leurs assistants qu’il faut s’adresser. On s’installe quand on veut, où l’on veut… Bref, chacun joue perso dans un mode de financement collectif !

Et demain ?

Les Français consacrent aujourd’hui 11 % du PIB aux dépenses de santé, en tirant « à guichet ouvert » sur les fonds de la Sécurité sociale. Naïvement bercés par la chanson d’une pseudo-sécurité, et d’un égal accès aux soins, ils ne se rendent pas compte qu’ils mettent en péril un système qui, même imparfait, reste l’un des moins mauvais au monde. Pourquoi changer d’habitudes ? La Carte Vitale est créditée… Débitons, débitons.

Nous sommes tous responsables et collectivement coupables. Nul n’échappe à la critique. En campant sur des positions intenables, nous alourdissons la note. Ce n’est pas l’autre qui est responsable, c’est moi, et tous les autres avec. L’enfer c’est donc bien nous ! On s’est mis à « sonner le docteur » sous n’importe quel prétexte. Quelle personne bien éduquée oserait ainsi frapper à la porte de quiconque à toute heure du jour et de la nuit pour voir si ça va ?

Faut-il baisser les bras et changer de métier ? Doit-on se planter devant les portes des facultés de médecine en criant aux étudiants qui vont s’inscrire en première année : « Arrière toute ! Vous vous précipitez vers une impasse : choisissez autre chose » ? Non, bien au contraire. Car à notre époque incertaine et troublée, se dessinent les prémices d’une révolution de l’organisation des soins sans précédent : une délégation des actes médicaux, le partage de l’information médicale entre soignants et soignés, la révision des missions des établissements de soins et d’autres modes de rémunération des médecins. Notre pays, s’il le voulait, pourrait montrer le chemin d’une organisation sanitaire efficace et solidaire. Au centre géographique de l’Europe, la France pourrait attirer beaucoup plus de malades étrangers.

Nous avons des atouts : outre le bon niveau de la médecine française au quotidien, et des niches d’excellence, notamment en chirurgie, nous possédons un maillage unique au monde de structures de soins privé et publics. Ce réseau est une véritable chance, mais à la condition de donner à chaque établissement des missions bien ciblées plutôt que de les laisser faire tous la même chose par crainte des restructurations électoralement risquées. Nous avons aussi de grandes tares : notre dramatique faiblesse en recherche, en industrie médicale de pointe tant dans le domaine de la pharmacie que dans celui de l’industrie des matériels médicaux et de l’imagerie. Quand je prescris un scanner, j’enrichis General Electric, Siemens, Philips ou Toshiba ; et quand j’opère avec des instruments de haute technologie, la Sécurité sociale finance les retraites des employés de Johnson & Johnson ou de Tyco, deux compagnies américaines se partageant l’essentiel du marché.

J’ose parier, cependant, pour une inversion de la tendance et une prise de conscience générale : le gâchis médical et financier du système de soins français ne peut plus durer. Nous devons nous adapter à la nouvelle société, celle de la science et de l’information mondialisées. Notre pays peut à bien des égards jouer un rôle déterminant en matière de santé. Mais avant de réclamer notre dû, songeons à nos devoirs et à nos responsabilités.

Épilogue
en forme
de propositions

La première étape d’une rénovation correspond à l’analyse et la critique des failles du système en place. Puis vient le moment des propositions visant à bâtir un modèle approprié aux besoins réels. quels que soient les obstacles juridiques que poseront la redistribution des tâches médicales et les responsabilités de chaque acteur, organisons l’industrie de la santé dans un cadre évolutif ou le pragmatisme l’emportera sur le dogme.

En préambule, affirmons la responsabilité personnelle et collective comme les piliers de la solidarité. Puis engageons-nous dans l’expérimentation de la mise en place d’une éducation sanitaire, d’une politique de prévention et d’un accès pour tous à des soins de qualité région par région. Faisons confiance aux acteurs, quitte à les sanctionner sévèrement s’ils se trompent.

Revoyons la carte des établissements de soins et leurs missions en fonction de l’émergence des moyens modernes de transports rapides des personnes et de l’information.

Créons les nouveaux métiers de la santé corrélatifs aux progrès des techniques médicales et chirurgicales ainsi que de la dépendance et du vieillissement. Par la délégation des tâches qu’ils entraîneront, ces métiers bouleverseront les modes traditionnelles de la pratique médicale auxquelles nous continuons de nous référer pour libérer le temps nécessaire à l’écoute, au conseil et à l’acte difficile. Offrons des carrières évolutives aux personnels et évaluons les résultats des actions entreprises.

Évitons les erreurs conceptuelles qui consistent à :

1- Limiter les dépenses de santé, qui ne traduit que la méconnaissance du besoin croissant et inéluctable de bien-être. Ce refus d’investir fait injure à la prise en charge de l’homme malade dans sa globalité et à l’industrie des soins dans toutes ses composantes. Au lieu de concevoir les dépenses de santé comme un poids, voyons-les comme une économie prospère et mesurons les centaines de milliers d’emplois et de nouveaux métiers dans les services sanitaires et sociaux que nous pourrions créer en France dans les dix années qui viennent.

2- Brider les revenus des hôpitaux et des cliniques par des tarifications complexes et inadaptées sans rapport avec les variations économiques régionales ni avec l’ambition d’excellence affichée.

3- Continuer à saupoudrer les crédits de la recherche médicale dans des laboratoires dispersés dans trop d’organismes publics ou d’universités aux règlements désuets et démotivants. Sans la concentration des moyens et une plus grande intégration européenne, nous n’obtiendrons pas une force de recherche capable de se mesurer à l’Amérique et, demain, à l’Asie.

4- Maintenir une offre de soins archaïque sans oser revoir la place des différents acteurs médicaux et paramédicaux. Remettre en cause l’utilité propre de chacun des métiers de la santé, est le préalable au développement d’un modèle sanitaire répondant aux besoins du vingt et unième siècle.

Finalement, nous ressemblons aux enfants qui s’amusent à édifier un barrage à marée basse sur une plage de sable. Au moment ou l’eau arrive en haut de la digue, on les voit pelleter à toute vitesse pour éviter le trop plein qui aplatit l’édifice en quelques secondes et laisse passer les premières gouttes. Ils creusent fébrilement au pied du barrage pour ramener le sable vers le haut. Malheur à eux ! Soucieux de contenir la fuite, ils l’aggravent en fragilisant les fondations de la digue. Pour ne pas être débordé, il faut tout simplement ouvrir une autre voie de passage. Quel responsable politique courageux proposera une alternative crédible et durable à notre vieux système de protection sanitaire qui prend l’eau de toutes parts ?

La logique plaide pour un modèle centré sur les notions de solidarité et de responsabilité en lieu et place d’un hypothétique droit à la santé qui flatte nos individualismes et légitime l’abandon de nos devoirs. Le droit vient après l’effort et le partage. Il n’en est que la résultante, tout comme l’assistance.

A l’Etat de promouvoir et garantir la qualité des services sanitaires offerts et leur répartition harmonieuse sur le territoire. Son rôle n’est pas à la gestion directe du système car il n’en a pas la compétence.

Définir les priorités nationales, Accompagner les initiatives locales et régionales, les laisser se déployer en retenir les points forts et les échecs, récompenser les meilleurs et sanctionner les tricheurs et les déviants, tel est le rôle d’un état moderne.

Le moyen de développer une telle responsabilité passe par le contrat renouvelable à tous les niveaux de la chaîne de solidarité, car lui seul engage les parties dans une dynamique de réciprocité. Contrats entre usagers malades et médecins, entre médecins et employeurs, administrateurs, industriels et financeurs, contrats entre médecins et corps de métiers intermédiaires de santé, Dans un tel cadre, il n’y a plus de place pour un ministère de la santé en tant que telle. Nous avons connu d’excellents ministres de la santé qui imprimèrent leur marque avec leur sensibilité propre. Mais c’est un ministère de la solidarité avec un grand S qu’il faut créer, englobant la santé, le travail la protection sociale et l’environnement La santé en elle-même n’intervient qu’en partie dans le partage du bien être. Ce ministère déléguera très fortement ses pouvoirs à une Agence nationale de Santé qui coordonnera en les réduisant à leur strict minimum utile les multiplies organismes, directions, hauts conseils, instituts, autorités dont les missions se chevauchent. Les agences régionales de santé agiront au plus près du terrain avec les professionnels et les usagers sans que leur directeur ne risque d’être limogé chaque mercredi matin au conseil des ministres. Une vraie politique de la santé impose une durée suffisante d’exercice pour en connaître les bénéfices.

La solidarité moderne appelle à :

1- Une éducation sanitaire et de l’environnement dès l’école et poursuivie tout au long de la vie grâce à des corps de métier spécialisés non médicaux dans ces taches de pédagogie de base.

2- Une politique de la prévention des risques sanitaires et environnementaux dotée des moyens humains et financiers adéquates. Les 2 % dédiés aujourd’hui à ces actions sont misérables si l’on veut agir efficacement en amont de la maladie.

3- Un accès à tous sans discrimination par le lieu d’habitation, l’information ou l’argent, à des soins de qualité, ce qui suppose la mise en place du métier d’assistant médical.

4- Une prise en charge de la vieillesse et de la dépendance beaucoup plus active dans un schéma ou le soin ambulatoire prédominera sur l’hospitalisation,

5- Une responsabilisation de tous, individuelle et collective. Déranger un médecin pour un oui ou pour un non est irresponsable, prescrire des arrêts de travail ou des bilans sanguins à tout va est irresponsable, réaliser des contrôles tatillons, coûteux et inefficaces est irresponsable, défiler avec son écharpe tricolore pour défendre un service de chirurgie moribond et dangereux est irresponsable.

6- Une acceptation des risques, à la condition d’une information régulière sur leurs conséquences. Les dérives liées à l’irruption du principe de précaution, sont des facteurs d’immobilisme redoutable dans un monde en perpétuelle évolution. Le danger est dans la peur.

7- Une évaluation régulière de toute action mise en place tant dans la qualité de ses résultats que dans ses coûts.

Comment organiser des prestations sanitaires ?

En définissant concrètement le rôle de chacun des acteurs du système de soins sanitaire dans ses missions propres.

1- Le pivot est le médecin traitant, véritable coordonnateur de la prise en charge sanitaire de la population locale et premier recours de soins.

Il sera formé en huit ans grâce à un cursus adapté à ses fonctions futures de médecin en introduisant des matières comme la psychologie, l’art de l’entretien, des notions d’éducation sanitaire et de prévention Il recevra une rémunération, soit à l’acte ou au salaire comme actuellement ; soit il choisiera un contrat d’exercice global basé sur la notion de forfait renouvelable tenant compte des actes et missions réalisés.

Les maisons de santé

Sont des établissements publics ou privés qui réuniront en associations les médecins, généralistes et spécialistes, tous aidés par des assistants médicaux, des infirmières, des assistantes sociales, des kinésithérapeutes, des rééducateurs, des secrétaires, et d’autres corps de métiers non médicaux qui participeront à l’éducation, la prévention et aux soins des patients. Les pharmaciens pourront s’intégrer à cette organisation locale.

Les hôpitaux locaux et les petits centres hospitaliers ou les cliniques dont la maternité et le bloc opératoire auront fermé pour des raisons de sous-activité et de sécurité hébergeront prioritairement ces professionnels.

Dix à vingt pour cent des moyens financiers de la maison de santé seront transférés directement à la commune ou à la communauté de communes dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, afin de responsabiliser les acteurs locaux.

Les hôpitaux et cliniques organiseront des consultations de spécialités dédiées aux habitants des villages et bourgs, notamment âgés, transportés par minibus.

Les visites nécessaires dans les villages éloignés et difficiles d’accès seront organisées grâce à des cabinets médicaux mobiles, équipés d’un relais Internet pour échanger les informations avec les centres experts.

Les maisons de santé assureront les missions médicales de proximité suivantes :

Première mission : le diagnostic, démarche de proximité qui ne nécessite le plus souvent pas de moyens sophistiqués.

Deuxième mission : la permanence des soins au travers des astreintes d’urgences. Tout médecin devra y participer sauf à partir d’un certain âge. Ils utiliseront le plateau technique pour étayer leurs diagnostics ou réaliser les premiers soins appropriés. Dans les grandes villes, ces structures de garde et astreinte seront intégrées à l’intérieur même des hôpitaux et des Centre Hospitaliers Universitaires en vue de désengorger les files d’attente aux urgences dont les médecins se concentrerons sur leur vrai métier.

Troisième mission : les soins dits de « suites », afin d’assurer un retour rapide après des soins chirurgicaux ou médicaux vers la structure locale de soins.

Quatrième mission : le suivi des maladies chroniques, des pathologies des personnes âgées et des addictions qui nécessitent des consultations fréquentes.

Cinquième mission : la rééducation fonctionnelle dans les domaines de la neurologie, la traumatologie, le vasculaire et chaque fois qu’une action de réhabilitation est nécessaire.

Sixième mission : l’éducation sanitaire en formant dès l’école les enfants et les adultes à connaître leur corps et leur esprit. Des enseignants (infirmières formées à cette tâche) organiseront ces réunions d’information et d’éducation dans les écoles pour les enfants et dans les maisons de santé pour les adultes

Septième mission : La prévention pour lutter contre le développement des pathologies sus décrites, en utilisant les assistant médicaux à cet effet.

L’efficacité du dispositif sera évaluée annuellement sur la base des résultats médicaux obtenus dans les domaines concernés. Les personnels médicaux et para médicaux analyseront leur pratique commune dans le cadre de la mise en place de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) et impliqueront les associations d’usagers pour parfaire le système. Des organismes privés ou publics, tous professionnels, organiseront cette évaluation régulière sous le contrôle de l’Agence Nationale et de ses branches spécialisées.

Outre leurs missions purement médicales et sociales, les maisons de santé pourraient regrouper en leur sein la « maison du citoyen » comprenant d autres services de l’état ou des collectivités.

Au total, Le risque de laisser des populations abandonnées sans couverture médicale territoriale et sans présence de la fonction publique est une chimère qui ne cache que la crainte du changement. En osant bâtir une autre organisation des relais de l’état et des collectivités plus adaptée au terrain et à l’échelon local nous rassurerons les populations qui verront rapidement le mieux que leur procure ces établissements mis à leur disposition.

2- Les spécialistes seront répartis en deux groupes, les spécialistes médicaux et les spécialistes interventionnels.

Ils seront comme les généralistes formés en huit ans.

Les premiers dits médecins consultants assureront le relais avec les médecins traitants dans les cas difficiles, véritables experts de recours au lieu de faire aujourd’hui le métier de généraliste d’organes. Ils seront prescripteurs, mais ne pourront pas réaliser d’actes par effraction corporelle.

Les seconds dits médecins interventionnels pourront agir par effraction du corps humain, comme les cardiologues qui font des angiographies et posent des « stents coronaires », les gastroentérologues qui traitent par endoscopie les polypes du colon ou les pneumologues pour les maladies des bronches. Ils devront justifier d’un volume d’interventions suffisant pour prétendre à ce type de pratique. Un rhumatologue qui réaliserait quelques infiltrations par an ne devrait plus les faire et adresser les malades au spécialiste interventionnel. Les anesthésistes feront partie de ces spécialistes, tout comme les chirurgiens qui en représentent l’aboutissement de part leur formation directement orientée vers l’acte opératoire.

Ils seront rémunérés à l’acte, au salaire ou selon un contrat d’exercice global qui tiendra compte du nombre d’actes, de leur pénibilité, de leurs risques et de leur qualité.

Le coût de la pratique médicale (matériels assurances, etc.) sera pris en charge par les employeurs ou les sociétés créées par les médecins regroupés en nombre suffisant pour exercer dans un cadre d’expertises partagées. Il sera tenu compte annuellement et automatiquement de l’augmentation du coût de la vie.

La responsabilité des médecins vis-à-vis des matériels qui leur seront proposés par les centrales d’achat sera à redéfinir, si l’on veut maintenir une haute qualité des soins

Les médecins signeront avec les organismes financeurs un plan de carrière modulable en fonction de leur âge, de leur compétence acquises sur le terrain et des besoins en évaluation, formation initiale et continue.

La participation à la permanence de soins sera obligatoire pour tout médecin sauf à être remplacé par un confrère consentant. Ce principe sera levé à partir d’un certain âge à déterminer par la concertation.

3- La répartition des médecins entre généralistes et spécialistes

Nombre de spécialités ne vivent que du déficit en généraliste qui eux-mêmes ont tendance à quitter le vrai métier pour s’orienter vers des niches de pratiques dont l’utilité médicale n’est pas toujours prouvée. Un ratio de 60 % de généralistes formés à leur vrai métier, de 25 % de spécialistes consultants qui ne prendraient en charge que les problèmes difficiles à résoudre, et de 15 % de spécialistes interventionnels devrait permettre une distribution plus équilibrée des soins. Le rôle des assistants médicaux, sur la base des expériences déjà réalisées, répondra efficacement aux besoins supplémentaires de prise ne charge des malades et de la dépendance.

Sur le territoire : Les différences criantes selon les régions pour un taux de population identique ne répondent en rien à des raisons de santé publique. Chaque région aura à décliner ses besoins en médecins traitants, médecins consultants et médecins interventionnels, chirurgiens y compris. L’installation sera autorisée en fonction des places disponibles. Les médecins qui exerceront trois ans dans la région ou ils ont été formés à un moment de leur carrière, verront leurs études financées afin de leur permettre de poursuivre le cursus universitaire de 8 ans.

4- La formation médicale sera adaptée aux besoins de santé.

Les étudiants seront sélectionnés pour entrer en première année à la fois sur leur niveau au baccalauréat sans discrimination de filière scientifique, littéraire ou professionnel et par un entretien avec des enseignants et des praticiens. Aux universités qui délivrent un savoir académique seront adossées des écoles de médecine affiliées qui délivreront un enseignement pratique basé sur l’expérience du terrain, en pratique de ville en plus des stages hospitaliers Des médecins généralistes et spécialistes non universitaires exerçant hors des hôpitaux pourront enseigner après une accréditation par l’université.

Les études de médecine seront de 8 ans répondant au cadre européen du LMD : une licence de trois ans comprenant les matières générales, un mastère de deux ans pendant lequel l’étudiant orientera son choix vers la médecine générale, les spécialités médicales dont il faudra réduire le nombre, la chirurgie, la santé publique, l’industrie pharmaceutique. Le nombre de place sera adapté à la demande et révisé régulièrement.

Des passerelles permettront des changements en cours de cursus sans perdre du temps à reprendre les études. Le doctorat de trois ans correspondra à l’approfondissement dans la branche retenue par l’étudiant.

Le concours de l’internat sera aboli et remplacé par un classement à partir des notes des deux années de mastère.

5- Le développement des nouveaux métiers de santé sera très fortement encouragé pour répondre à des besoins sanitaires qui ne nécessitent pas obligatoirement une formation médicale complète. Parmi ces métiers, la place des assistants médicaux et chirurgicaux deviendra prépondérante, visant à soulager les médecins des tâches qui peuvent être accomplies par d’autres catégories de personnels. Rendre le temps médical de l’écoute et de l’examen lent est un impératif de santé publique. Certains de ces métiers, comme les assistant médicaux, pourront accéder, par une formation complémentaire modulée de haut niveau en complément des acquisitions pratiques acquises, aux professions médicales

6- Le partenariat ville hôpital s’effectuera grâce à des contrats d’exercice médical global, permettant à un médecin de travailler indifféremment dans des établissements publics ou privés en recevant la même rémunération pour le même investissement. Les dotations spécifiques sous formes d’enveloppes dédiées à des missions particulières ne doivent pas masquer les défauts d’organisation interne des hôpitaux demandeurs. Les réseaux de prise en charge qui prouveront leur efficacité par une amélioration du diagnostic, de la thérapeutique et du suivi des malades seront valorisés financièrement sur la base de leurs résultats. En cas de fusion d’établissements de deux villes voisines, l’hôpital nouvellement crée sera de préférence bâti à mi distance sur un terrain près d’un nœud de communication. En revanche les hôpitaux pour maladies chroniques seront plutôt situés dans les villes afin de permettre aux malades et aux familles la proximité nécessaire, tout comme les maisons de retraites afin que les personnes âgées puissent le plus longtemps possible rester en contact avec la vie.

7- La responsabilité du président du conseil d’administration d’un établissement de soins dans un cadre juridique systémique sera affirmée. Le partage des risques entre les professionnels et les administrateurs des hôpitaux, est une priorité qui facilitera les regroupements et partenariats.

8- Les Centres hospitalo-universitaires seront regroupés. Les plus petits d’entre eux devront se spécialiser en ne cherchant pas à couvrir tout le champ de la médecine. Les carrières universitaires seront évaluées régulièrement et aucun poste ne sera acquis à vie. Un statut de professeur assistant sera institué avant de parvenir au titre de professeur pour cinq ans renouvelables. Les tâches d’enseignement de recherche et de soins ne pourront plus être assurées par une seule personne. Le choix se fera sur une ou deux des trois missions universitaires pendant un temps donné par contrat avec possibilité de changer.

9- Les malades responsables et acteurs de leur bien être participeront de plus en plus à leur propre prise en charge. Les associations seront consultées régulièrement sur les éléments d’informations médicales utiles à une participation à la prise de décision de chaque malade. L’automédication sera encouragée par une information adaptée associée à des contrôles réguliers dans lesquels les assistants médicaux auront un rôle important à jouer. Les usagers seront éduqués à utiliser le système sans en abuser. Depuis la connaissance du corps humain et des grands principes d’hygiène jusqu’aux informations sur les signes qui doivent alerter sur une maladie grave. Ces informations seront distribuées grâce à des publications en lignes et sur papier. Des groupes de discussion sur les grandes pathologies animés par les assistants médicaux seront organisés dans les maisons de santé. Les contrôles des abus à l’utilisation frauduleuse par les usagers comme par les professionnels du système de soins seront renforcés.

1O- L’industrie du médicament et des matériels médicaux sera fortement associée à la politique de santé publique et considérée comme un partenaire d’avenir. Les pôles entre université, laboratoires de recherche et industriels seront renforcés grâce à des incitations financières durables en fonction des résultats obtenus. Un véritable plan d’action à l’égal de ce qui s’est fait pour le nucléaire sera mis en place avec les partenaires industriels. L’information sur les médicaments princeps et génériques, sera renforcée et les rapports avec les médecins précisés dans le cadre de contrats de stricte indépendance.

Malgré les obstacles nombreux, les esprits rétifs, les corporatismes puissants, l’espoir de vaincre le scepticisme et le repli sur soi revient quand la volonté politique s’affiche. Inutile d’agiter le chiffon rouge de la gestion des prestations médicales par les assurances privées. Une organisation rénovée de la distribution des soins dans un cadre contractuel souple, est la seule à pouvoir développer un modèle de sécurité sociale adaptée la faisant entrer dans le vingtième siècle. L’exigence de qualité des prestations d’éducation sanitaire, de prévention et de la prise en charge des malades a un prix, qui ne fera que croître, nous obligeant à innover pour continuer à servir les prestations sanitaires et sociales indispensables. L’économie du bien-être est l’avenir, et la France reste bien placée dans la compétition internationale, compte tenu de la qualité de sa médecine. Mais pour combien de temps encore ? Porteuse de progrès et génératrice d’emplois, la santé devrait être considérée comme une priorité nationale, au même titre que le fut l’indépendance énergétique. Hélas, malgré l’intérêt des Français pour la cause comme le soulignent les sondages, aucune politique d’envergure ne se dessine qui ose lancer un plan d’action ambitieux. Si nous ne voulons pas sombrer dans la médiocrité, la sécurité sociale mérite mieux que de colmater ses brèches au jour le jour. Libérons-nous du carcan des traditions et dogmes dépassés. Innovons en citoyens responsables et solidaires. Le droit et l’assistance suivront.

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La santé n'est pas un droit
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